MÉDIAS

13
Mai

Eléments de langage administratifs pour une sortie de confinement

Tandis que la sortie de confinement s’effectue petit à petit et qu’elle porte avec elle son lot d’incompréhensions et d’incertitudes respectivement quant au passé et à l’avenir, la psychiatrie effectue ses premiers bilans de cette situation et de ses potentielles conséquences.

• Les équipes de psychiatrie se sont courageusement mobilisées mais, bien qu’un nombre non négligeables de décompensations graves et de situations tragiques a pu être noté, les services d’hospitalisation, les services COVID-Psy et les urgences n’ont pas connu l’afflux de situations que l’on prédisait en début de cette crise sanitaire (même si les différences régionales devront être analysées à l’aune de données chiffrées).

• Le redéploiement des soignants des structures extrahospitalières vers les unités d’hospitalisation démontre aux esprits chagrins les capacités d’adaptation indéniables des personnels hospitaliers. Toutefois, cette situation a souvent révélé les difficultés à faire coexister les personnels et les écarts de philosophies et de pratiques entre eux. Par ailleurs, certains soignants ont ressenti de grandes lacunes dans leur capacité à réaliser des actes auxquels ils ne sont pas (plus) accoutumés. D’autres part, plusieurs services se sont retrouvés en sureffectifs, malgré le nombre non négligeable de personnels touchés et en arrêt.

• Les consultations à distance ont fonctionné et c’est tout à l’honneur des soignants d’avoir montré leur assimilation des nouvelles technologies. Mais leur nombre n’a pas semblé « exploser » ; de nombreux soignants évoquent même une diminution sensible de file active par rapport au rythme de consultations en présentiel précédant le confinement. On ne peut certes pas tout faire à distance. Cependant, on se rend compte que l’on peut faire beaucoup plus que l’on ne l’imaginait.

• Certains soignants ont été confinés, les psychologues par exemple. Pour certains d’entre eux, ils se sont vaillamment mobilisés dans des actions de préventions des risques psychosociaux auprès des soignants ou de la société civile, certains ont effectué des téléconsultations avec les patients de leur file active. Cependant, l’évaluation de leur activité réelle reste difficile.

• Les centres médico-psychologiques et les hôpitaux de jour ont dû faire preuve de résilience et fermer partiellement ou totalement leurs portes pendant presque deux mois, ce qui a privé les patients des activités qui y sont habituellement délivrées. Les conditions de réouverture, pour assurer la protection des patients comme des soignants, engendrent fatalement une réorganisation de ces activités, notamment de groupe, par la réduction du nombre de personnes présentes en même temps.

Si l’on n’y prend pas garde, quelles interprétations pourraient effectuer les instances administratives de ces éléments ?

• La diminution des activités et/ou du nombre de personnes pouvant être reçues dans les hôpitaux de jour remet en question la légitimité de leur existence. Le nombre de soignants nécessaires en hôpitaux de jour est disproportionné et ceux-ci doivent être redéployés en intrahospitalier. Les services intrahospitaliers sont en surnuméraires, il est donc cohérent de penser à réduire leurs effectifs.

• Si certains soignants ont pu rester confinés, que le nombre d’actes qu’ils ont effectués est inférieur au nombre habituel et qu’ils ont pu se déployer vers d’autres activités, c’est que leur présence au sein des services de psychiatrie, tout du moins leur temps de travail est à réévaluer.

• Les téléconsultations fonctionnent, le présentiel n’est donc pas une règle
immuable. Les risques de nouvelle épidémie enjoignent à prescrire une
distanciation sociale drastique.

• Certains actes relèvent de l’impérieux, comme la gestion des situations de crise et les urgences. D’autres ne sont pas indispensables, puisque l’on a pu les remettre à plus tard (les bilans neuropsychologiques ou les activités thérapeutiques des hôpitaux de jour par exemple), ou peuvent être réalisés en dehors des structures intra ou extrahospitalières (comme les injections ou les renouvellement d’ordonnances par exemple).

Et si la crise sanitaire dont nous pensons sortir actuellement servait de mauvais prétexte pour remettre profondément en cause l’organisation et le fonctionnement de la psychiatrie …

Laurent Lecardeur,
Psychologue, Nice

Post-scriptum : l’auteur ne souscrit en rien à ce scenario catastrophe et se décharge de toute responsabilité si les éléments de langage ci-dessus devaient être repris à leur compte par des personnes malintentionnées.