Rassurer, mon arme secrète
Rassurer les patients, ces individus déjà fragiles par leur pathologie, leur histoire de vie, leur quotidien. Leur dire que nous sommes là pour eux, inlassablement, là pour les accompagner dans ces
moments si singuliers.
« Est-ce que ça veut dire qu’on va mourir ? » Leurs angoisses sont majorées, le monde s’agite autour d’eux, avec des questions, sans réponses, sans certitude. Déjà en crise ou en décompensation, ils sont confrontés à une nouvelle crise, externe celle-ci, qui les met à mal et les bouleverse. Comment les rassurer au mieux alors que les équipes sont, elles aussi, inquiètes ?
Rassurer les équipes, déjà depuis longtemps fragilisées, morcelées, épuisées. Il faudra redoubler
d’attention, de présence auprès d’eux, d’accompagnement au quotidien, de transparence dans les événements.
« Où sont les masques ? Où sont les solutions hydro-alcooliques ? » Ce sentiment d’avoir été les oubliés de cette crise, les laissés de côté car ils ne sont pas en première ligne, dans les services de réanimation. L’impression d’être en danger, aux côtés des patients, dans les transports, afin de maintenir l’activité essentielle de prise en charge des patients en psychiatrie. Comment rassurer nos soignants, tous les jours, alors que les cadres sont également troublés ?
Rassurer les cadres, en première ligne d’une crise sanitaire sans précédent, longue, épuisante. Les soutenir jour après jour, les accompagner dans leurs actions et leur transmettre les informations qui leur permettront de donner le meilleur d’eux-mêmes.
« Qu’est-ce que je peux faire pour aider ? Pour faire encore plus que ce que je fais d’habitude ? Pour faire en sorte que les équipes se sentent mieux ? » Les cadres sont démunis face à ce contexte, essaient de faire du mieux qu’ils peuvent afin de mettre en place les recommandations, changeantes au fur et à mesure de l’avancée de cette crise. Ils sont garants de l’activité du quotidien et du maintien de la continuité et la permanence des soins malgré les arrêts qui se multiplient. Comment rassurer les cadres alors que je suis moi-même dans la tourmente ?
Me rassurer moi-même, dans une fonction nouvelle et dans un contexte si particulier. Le mot « COVID » est sur toutes les lèvres, dans tous les mails, les appels. Les directives sont données, il faut sécuriser, traduire, accompagner, guider et donner de soi.
« Par quoi je commence ? Quelle est l’urgence ? Comment mettre en place ces demandes dans un délai court ? » Il faut redoubler d’attention, d’ingéniosité, mais surtout d’authenticité afin de solliciter les différents acteurs et faire bouger ces éléments figés depuis des années. Le changement angoisse, créé des incertitudes que le cadre de pôle essaie de lever afin de s’adapter au mieux à cette si singulière période.
Rassurer, que ce soit les autres ou moi-même, la seule arme que je possède pour faire face à cette parenthèse de quotidien, à cette parenthèse de vie.
Emmanuel DENUAULT
Cadre de pôle de psychiatrie adulte
PARIS
LinkedIn : Emmanuel DENUAULT