Replay 2025

Le fait que des facteurs cognitifs descendants puissent fortement influencer la perception de la douleur est ce qu’on appelle « la pénétrabilité cognitive de la douleur ». Ce phénomène permet notamment d’expliquer les cas curieux où certaines personnes ressentent des douleurs atroces en croyant avoir subi une blessure qui se révèle pourtant inexistante. Les débats autour de la « pénétrabilité cognitive » s’inscrivent dans le champ des réflexions philosophiques et neuroscientifiques sur la modularité de l’esprit. Après avoir rappelé les grands principes de cet important modèle architectural de l’esprit, j’expliquerai pourquoi la perception de la douleur est plastique, en m’appuyant notamment sur les effets placebo et nocebo. 

Je présenterai ensuite deux approches de la perception de la douleur qui s’opposent à l’idée de pénétrabilité cognitive : la plasticité des transducteurs (Klein) et l’approche multi-modulaire (Casser et Clarke). Ces deux modèles, pour crédibles qu’ils soient, rajoutent de la complexité à la complexité (ils ressemblent en cela un peu aux épicycles de Ptolémée dans l’astronomie classique, une tentative désespérée de « sauver les phénomènes »). Pour cette raison, je pense qu’il est préférable d’abandonner le modèle classique des modules et d’adopter un modèle énactif, qui conçoit la douleur comme le produit d’un cerveau plastique dans un corps situé dans un environnement (physique et social). Bien que ce modèle présente certaines similitudes avec le modèle bio-psycho-social de la douleur, je montrerai en quoi il s’en distingue fondamentalement et j’expliquerai aussi comment il peut aider à traiter certains problèmes cliniques, comme par exemple les «troubles neurologiques fonctionnels».

Présidence : Steeves Demazeux, Bordeaux
Orateur : Luc Faucher Philosophe, Épistémologue, Canada